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Le droit à la protection : l’engagement de la CNAPE d’hier à aujourd’hui et pour demain

CNAPE

Tout au long de l’année 2018, la CNAPE a organisé une série d’initiatives, nationales et locales, afin de marquer ses sept décennies d’existence. Exposition, concours de dessin, FORUM historique, évènement, etc., l’enjeu était de faire de ces 70 ans, un moment fédérateur, célébré par l’ensemble du réseau des membres de la CNAPE, mais aussi une opportunité pour donner de la visibilité aux actions de notre fédération, pour rappeler notre devoir individuel et collectif envers la protection de l’enfant.

Point d’orgue de cette année très spéciale pour la CNAPE, la conférence du 16 novembre 2018 au Palais du Luxembourg ayant pour thème « Le droit à la protection de l’enfant ». Qu’est-ce que la protection ? Qu’est-ce que protéger ? Qu’est-ce que le droit à la protection ? Cette notion bien qu’inscrite dans les lois et les textes internationaux reste questionnée. Qui protège ? Comment a évolué ce droit ? Comment est-il appréhendé par les parties prenantes ? Autant de questions qui ont été abordées lors de cette journée afin d’interroger sa définition et son évolution, entendre le vécu et le ressenti des enfants, des familles, des institutions, des associations.

Michelle Meunier, sénatrice de la Loire-Atlantique, qui a apporté son « marrainage » à cette conférence, a ouvert la journée. De par sa profession et ses différents mandats, la défense de l’enfant a toujours occupé une place importante dans son engagement. La protection de l’enfant est en évolution constante, notamment du fait de la société dans laquelle elle s’inscrit. Michelle Meunier a ainsi insisté sur la nécessité d’interroger sans cesse cette politique publique précieuse afin qu’elle puisse être effective. « Il n’est pas toujours nécessaire de refaire des lois, simplement de les appliquer », a-t-elle déclaré, afin que l’enfant reste toujours au centre, soit respecté et protégé.

Josiane Bigot, présidente de la CNAPE, est ensuite intervenue en retraçant l’histoire de la fédération et des grandes étapes qui ont marqué la protection de l’enfant. Elle a mis en lumière la capacité d’anticipation de la CNAPE quant aux évolutions du secteur social et médicosocial mais aussi les solutions adaptées à chaque époque qu’elle a pu proposer à ses adhérents comme aux pouvoirs publics. « Cette journée-anniversaire a une légitimité entière s’agissant d’une fédération qui consacre toutes ses forces à faire vivre concrètement cette protection, avec au fil des ans une progressivité constante dans l’affirmation des droits des enfants et des obligations des adultes qui concourent à sa mise en œuvre », a-telle conclu avant de donner la parole à Bertrand Hagenmüller, sociologue, qui a présenté son documentaire intitulé « Petite philosophie de la protection de l’enfance », réalisé pour l’occasion. À travers la parole peu entendue des personnes accompagnées et de professionnels, la signification de la protection a été interrogée : quand et à quelle(s) condition(s) se sent-on protégé ? Au nom de quelle valeur et dans quel but protège- t-on ? Comment concilier protection et émancipation ?

Les différents témoignages d’enfants, de parents et de professionnels ont laissé la place à l’intervention d’Isabelle Corpart, maître de conférences en droit privé à l’université de Haute-Alsace sur la notion même de droit à la protection. Que recouvre la protection au regard des protecteurs de l’enfant que sont ses parents ? Dans les textes, elle n’apparait quasiment pas, comme si elle était naturellement induite dans la relation parentale. Les parents ont à assurer sa protection par un exercice approprié de l’autorité parentale qui reste cependant questionnée par les droits de l’enfant, notamment définis dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).

Par une série d’exemples tirés notamment de sa pratique professionnelle en tant que psychiatre et thérapeute familial, Serge Hefez a questionné l’évolution de l’enfant au sein de la famille : « pivot de la famille aujourd’hui, l’enfant n’était auparavant personne ». La pluriparentalité, les avancées technologiques (don de sperme, PMA, etc.) posent des questions nouvelles pour la société et les enfants eux-mêmes. L’ensemble du réseau autour de l’enfant doit devenir protecteur dans une dynamique commune afin qu’il puisse raconter son histoire et être en capacité de se construire.

La question de la protection est l’affaire d’un collectif avec des positions différentes mais dont la conjugaison est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant. Ainsi, la table ronde animée par Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE, s’est articulée autour du thème : « Protéger les enfants, une obligation individuelle et collective ».
Josiane Bigot, ancienne juge des enfants, Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe- et-Moselle et Roland Janvier, directeur général de la Fondation Massé Trévidy, ont ainsi pu exposer leurs expériences de terrain, les limites également de leur profession qui parfois peuvent remettre en question leur vocation même de protecteur de l’enfant. « Des enfants m’ont fait comprendre, durant ma carrière, que le fait d’avoir donné leur avis les avait exposés à des mesures de rétorsion de leurs parents. Comment donc permettre à l’enfant de primer pour défendre son intérêt mais sans le mettre en danger ? », a expliqué Josiane Bigot.
Mathieu Klein a quant à lui témoigné de l’équilibre précaire tant humain que budgétaire et géographique qui est à trouver au sein du département, afin de pouvoir remplir sa mission et offrir à chaque enfant une protection à la hauteur de ses besoins. La protection de l’enfant doit être soutenue par une réelle volonté politique : un constat partagé par l’ensemble des personnes présentes.
Enfin, pour Roland Janvier, la protection de l’enfant est une question politique et systémique qui place l’association au cœur des enjeux démocratiques et de citoyenneté. « L’enjeu est de mobiliser toutes les énergies disponibles pour protéger l’enfant en permettant à chacun d’avoir une place dans l’action et de s’y tenir. L’association de protection de l’enfance peut ainsi se placer au cœur d’un contrat social tripartite entre l’État, les acteurs institutionnels de protection de l’enfant et les citoyens bénéficiaires », a-t-il déclaré. L’attention de la société à ses membres les plus vulnérables est une urgence collective car, jamais les risques d’anomie n’ont été aussi présents. Il est donc vital de refonder l’engagement sociétal autour de l’enfant qui est l’avenir de la société.

La CNAPE souhaitait également mettre en avant la vision européenne du droit à la protection de l’enfant à travers l’intervention de Maren Lambrecht-Feigl, responsable de programme de la Division des droits des enfants au Conseil de l’Europe. La lutte contre toutes les formes de violence à l’encontre des enfants est l’une des premières priorités de cette instance pour laquelle « la société tolère encore trop certaines formes de violence envers les enfants. Cela s’exprime, par exemple, par le silence qui entoure trop souvent les abus sexuels ou les châtiments corporels classés comme « violence éducative ordinaire », même s’il faut certainement voir et comprendre ces phénomènes dans un contexte historique et culturels donné ».

Enfin, la Défenseure des enfants Geneviève Avenard, a conclu cette journée en saluant notamment l’engagement des bénévoles et professionnels des associations adhérentes à la CNAPE, en réaffirmant le droit à la protection, un droit qui oblige toute la société. La conférence de la CNAPE s’est achevée par ces mots de Victor Hugo, « L’enfant doit être notre souci. Et savez-vous pourquoi ? Savez-vous son vrai nom ? L’enfant s’appelle l’avenir ».