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L’audition des enfants en assistance éducative : un pas supplémentaire pour le droit d’expression des enfants

Protection de l'enfance

Le 12 juin 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision qui marque une étape importante pour l’effectivité du droit d’expression des enfants dans les procédures judiciaires les concernant. Cet arrêt vient lever plusieurs incertitudes relatives aux pratiques des cours d’appel en matière d’audition des mineurs dans les dossiers d’assistance éducative.

Un droit consacré depuis longtemps, renforcé par la loi de 2022

Le droit pour un enfant capable de discernement de faire entendre sa voix est affirmé de longue date. Dès 1981, la Cour de cassation avait jugé que l’audition d’un enfant par le juge des enfants constituait une règle d’ordre public. Ce principe a trouvé un appui décisif dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui consacre la participation active des enfants aux décisions qui les concernent, et que la France a ratifiée en 1990.

La législation française a progressivement intégré cette exigence. L’article 1182 du code de procédure civile dispose nettement que le juge des enfants doit entendre tout mineur capable de discernement. Plus récemment, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants – dite loi « Taquet » – est venue clarifier et renforcer cette obligation en imposant un entretien individuel systématique et en rappelant la nécessité d’une audition de l’enfant, sans la présence des parents, afin de garantir la liberté de sa parole.

Les précisions apportées par la décision du 12 juin 2025

L’arrêt du 12 juin 2025 répond à une question restée jusque-là floue : quelles obligations pèsent sur les cours d’appel lorsqu’elles sont saisies d’une décision du juge des enfants ?

Trois points essentiels ressortent de cette clarification :

  • L’enfant non entendu en première instance doit l’être en appel.
    Si, pour une raison quelconque, le juge des enfants n’a pas procédé à l’audition lors de la première instance, la cour d’appel doit impérativement organiser cet entretien, sauf à constater expressément que l’enfant n’a pas la capacité de discernement.
  • Le droit à une nouvelle audition est garanti.
    Lorsque l’enfant a déjà été entendu mais souhaite réitérer sa parole devant la juridiction d’appel, cette demande s’impose au juge, qui n’a pas de marge d’appréciation. Ce droit renforce l’idée que la participation de l’enfant n’est pas ponctuelle, mais doit pouvoir s’exercer tout au long de la procédure.
  • L’entretien doit se dérouler dans un cadre protecteur.
    Conformément à la loi de 2022, l’audition doit toujours avoir lieu individuellement, sans les parents, afin de favoriser une parole libre et dépourvue de pressions.

Une avancée mais aussi des défis

La CNAPE se félicite de cette avancée jurisprudentielle, qui s’inscrit dans la continuité du combat pour la reconnaissance du droit de participation des enfants. Elle réaffirme que la parole de l’enfant n’est pas une formalité, mais un élément essentiel de la justice en matière de protection de l’enfance.

Cette décision consolide la place de l’enfant dans la procédure d’assistance éducative le concernant. Elle impose aux juridictions d’appel d’assumer pleinement leur rôle de garant de ce droit fondamental. L’exigence d’information de l’enfant sur son droit à être entendu constitue également un progrès notable : un droit qui n’est pas connu demeure illusoire.

Pour autant, certains enjeux restent ouverts. L’évaluation de la capacité de discernement continue de susciter des interrogations, car elle repose sur une appréciation subjective du juge. Par ailleurs, la Cour de cassation n’impose pas une nouvelle audition systématique lorsque l’enfant a déjà été entendu en première instance, hors sa propre demande, ce qui peut créer des pratiques variables d’une cour à l’autre. Cela renforce encore la nécessité, pour laquelle la CNAPE plaide, qu’un avocat défende les droits de l’enfant et ses intérêts lors d’une procédure judiciaire.