Dans un entretien au Monde le 27 novembre dernier, la ministre de la santé et des familles Stéphanie Rist annonce le dépôt d’un projet de loi visant à « refondre le modèle de la protection de l’enfance ».
La crise de la protection de l’enfance, sur laquelle la CNAPE interpelle depuis des années (chronique annoncée d’un effondrement), s’aggrave encore et toujours. Dans de nombreux départements, les droits fondamentaux des enfants à être protégés, être scolarisés, accéder aux soins, disposer d’un lieu de vie stable ne sont plus garantis. Il y a un an, nous sommes même descendus dans la rue : nous avons créé le collectif Les 400 000, en référence aux 400 000 enfants concernés par une mesure de protection – ils n’étaient que 300 000 il y a 15 ans –, au moment où le gouvernement faisait la sourde oreille.
Aujourd’hui, le gouvernement nous écoute enfin : c’est bien une refondation du modèle dont il doit être question. Le projet de loi annoncé doit, dans les grands axes, mieux soutenir la parentalité, améliorer le recours aux tiers dignes de confiance en cas de placement, éviter les ruptures de placement ou les placements trop longs et, enfin, réviser la répartition des compétences entre l’Etat et les départements, sans revenir sur le principe de la décentralisation de la compétence.
La CNAPE partage l’intégralité de ces principes d’action qui, accompagnés de mesures ambitieuses, pourraient être de nature à redonner du souffle à notre modèle de protection de l’enfance, et offrir aux enfants accompagnés de meilleures perspectives qu’aujourd’hui.
Toutefois, les exemples de mesures citées par la ministre, cohérents avec celles pour lesquelles la CNAPE est consultée au titre de fédération représentative, peinent à garantir ce niveau d’ambition. Seules, elles ne seront pas à la hauteur des défis que nos associations rencontrent au quotidien auprès des enfants. Elles comportent alors le risque d’une vaine promesse de refondation. En outre, une refondation prend du temps : les mesures prévues doivent dépasser le réglage fin et s’inscrire dans un plan pluriannuel volontaire, doté de moyens sur cinq ans.
C’est la raison pour laquelle la CNAPE, forte de son expertise et de celle des professionnels de la protection de l’enfance, souhaite apporter son concours à la refondation en cours, et publie les 73 mesures législatives qu’elle propose au gouvernement pour étoffer son projet de loi, en cohérence avec les principes qui composent son architecture.
Le soutien à la parentalité est ainsi encouragé, par exemple, par la reconnaissance des conférences familiales ou la revalorisation des missions de la protection maternelle et infantile. Les placements seraient évités au possible par une amélioration du cadre des mesures de milieu ouvert, qui permettent de prévenir la dégradation des situations familiales. Il serait propice d’éviter les ruptures d’accompagnement des enfants vulnérables par un meilleur encadrement des pratiques comme l’intérim, et propice de mieux protéger les droits des enfants, notamment dans le cadre judiciaire, grâce à l’avocat et à l’administrateur ad hoc. Enfin, de nombreuses mesures sont attendues pour mieux protéger les jeunes majeurs, les mineurs non accompagnés, les enfants en situation de handicap et les enfants et jeunes victimes d’exploitation sexuelle.
Didier Tronche, président de la CNAPE : « Ces propositions d’amendements résultent d’un travail de long cours, rassemblant l’ensemble du plaidoyer constitué par la CNAPE pour parer à la crise que nous traversons. Je suis naturellement à la disposition de la ministre pour lui présenter la philosophie qui les sous-tend et le détail des écritures. »