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DACIP : un dispositif d’accompagnement collectif et individuel de proximité

Vulnérabilités et prévention

Par Michel Hamm, directeur Opération Prévention Insertion (OPI) – Association Régionale Spécialisée d’action sociale d’Education et d’Animation (ARSEA) de Strasbourg

 

Le dispositif d’accompagnement collectif et individuel de proximité (DACIP) est un projet expérimenté depuis 2012 dans le quartier Neuhof à Strasbourg et étendu de manière identique au quartier de Koenigshoffen en 2013. Il est porté par des équipes constituées de travailleurs sociaux qui évoluent dans le domaine de l’animation socioculturelle et de l’éducation spécialisée : des animateurs des centres socioculturels du Neuhof et de Koenigshoffen, et des éducateurs de prévention spécialisée de l’ARSEA. L’idée, loin d’être originale, est d’accompagner des jeunes entre 16 et 25 ans sortis prématurément du système scolaire sans qualification ou avec une faible qualification, par le croisement des compétences des professionnels. Ces ressources hybrides doivent permettre une prise en charge à 360° par des réponses réactives, individualisées ou collectives, et par la mise en œuvre d’un parcours sécurisé. L’ambition du dispositif est de permettre aux jeunes de se réinscrire en un an dans une dynamique d’insertion sociale et professionnelle choisie.

LES INGRÉDIENTS DU DACIP QUI FONT LA DIFFÉRENCE DANS UN OBJECTIF 100% RÉUSSITE

Le travail de rue est l’outil privilégié pour rencontrer les futurs candidats dans les territoires. Le principe de la libre adhésion prime dans un premier temps sur l’engagement contractuel. Une fois le jeune en réelle difficulté identifié, les rencontres se succèdent même si cela peut durer des mois. La disponibilité et l’enthousiasme des référents sont le gage de la continuité du lien, même si les sollicitations arrivent à des heures qui ne seraient pas planifiées. L’adhésion au dispositif n’est pas toujours immédiate, une maturation est nécessaire pour donner aux jeunes le droit de rêver à une nouvelle vie ou de voir éclore un talent enfoui.

UN ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL ET/OU COLLECTIF

Le projet se construit en fonction de la demande première quelle qu’elle soit, au rythme de chacun. Etape incontournable pour les jeunes engagés dans le parcours du DACIP : un séjour de retrait pour les extraire de leur quartier de résidence. Dans le confort d’un lodge perdu dans un parc, les individualités sont confrontées au collectif avec tout ce que cela sous-entend en termes de participation à la vie quotidienne autogérée : des conditions particulières pour faire connaissance, observer les comportements et évaluer le fonctionnement de chacun. Une partie des jeunes ne souhaite pas se retrouver dans une dimension collective et préfère être accompagnée individuellement. Cependant, en fonction des besoins identifiés et des opportunités liées au calendrier de l’emploi sur l’Eurométropole de Strasbourg, ils sont encouragés à s’impliquer dans des actions collectives ponctuelles.

UNE ENTRÉE PAR L’EMPLOI EN MODE SANS ÉCHEC

Pour se confronter au monde professionnel ou pour sécuriser d’urgence une situation sociale précaire, l’entrée dans le dispositif peut se faire directement par un travail salarié. Le DACIP s’appuie pour cela sur le dispositif ARC (Activité Rémunérée à la Carte), sur des contrats à durée déterminée formatifs ou des chantiers éducatifs de la prévention spécialisée. Dans ce cas, les employeurs sont des associations intermédiaires. Les référents sont omniprésents pour sécuriser la période souvent délicate avec les candidats ou les employeurs. Les expériences font systématiquement l’objet d’un retour d’information qui contribue à la transformation de l’image du jeune. Et ce, d’autant plus que le DACIP communique largement les réussites sur les réseaux sociaux. A ce stade, il est essentiel d‘apprendre aux jeunes à verbaliser et valoriser les compétences développées dans le cadre des activités en entreprise ou bénévoles. Cela peut paraître anodin mais pour des personnes en panne de confiance ou en manque de considération, la reconnaissance est essentielle et libératrice de leur potentiel. Pour répondre à la pluralité des situations, les encadrants n’hésitent pas à mobiliser des coachs sportifs, des coachs en développement personnel, une sophrologue ou à embarquer les jeunes dans du théâtre d’improvisation pour développer leur expression orale. Mieux outillés, ils vont pouvoir aborder les échéances à l’insertion avec plus d’aisance.

DES CHEFS D’ENTREPRISE QUI JOUENT LE JEU

Un moment fort du projet est l’organisation de rencontres avec les chefs d’entreprise. Là encore, exit les entretiens classiques de type parrainage ou les visites d’ateliers. C’est par le biais de maraudes, de matchs de football ou d’ateliers de cuisine que les deux mondes se côtoient et se rencontrent. Un choc pour les uns, une découverte pour les autres mais une expérience gagnante/gagnante dont personne ne sort indemne. Très tôt, de nombreux partenaires issus du monde de l’emploi ont souhaité s’impliquer dans la dynamique du DACIP à la recherche de potentiels. Certains employeurs sont allés plus loin et ont avancé les fonds nécessaires à la création de micro entreprises qui, elles aussi, ont embauché des jeunes des quartiers populaires. C’est la dimension complémentaire qui manquait au DACIP pour imprégner le monde de l’insertion de son empreinte si particulière.

À CHACUN SA PLACE DANS UNE COMPLÉMENTARITÉ

Les champs de l’animation et de l’éducation n’ont pas toujours su trouver les bonnes modalités de collaboration, notamment sur la thématique de l’insertion. La réussite du DACIP tient à la propension de chacun des intervenants à reconnaître l’autre dans sa particularité et son métier. Accepter ses limites sans se substituer à l’autre mais vouloir toujours progresser en compétence à son contact, car nul n’est dépositaire exclusif de la capacité d’innovation tout particulièrement lorsqu’elle est à mettre à profit de trajectoires toujours plus singulières. Si la coordination d’une telle équipe est une gageure, l’engagement des salariés et des entrepreneurs, l’innovation sociale et la satisfaction des candidats permettent de croire en de nouvelles modalités de prise en charge. Les partenaires institutionnels ou associatifs font l’objet de la même attention dans un esprit de clarté, dans le respect des moyens de chacun. Un des objectifs est que les jeunes s’inscrivent ou se réinscrivent dans les dispositifs de droit commun tout en gardant la possibilité de maintenir le lien avec les professionnels du DACIP. La notion de « sortie positive » est considérée comme une amélioration au sens large des conditions du bien-être physique, mental et social comme préconisé par l’Organisation mondiale de la santé. Lauréat du concours « S’engager pour les quartiers », une initiative de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et de la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE), en décembre 2018, le DACIP a été élu, dans les locaux de l’Assemblée nationale, Meilleur projet d’insertion professionnelle.